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Page:Grammont - Petit traité de versification française, 1908.djvu/17

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français même. C’est le cas de bleuet, dérivé de bleu au moyen du suffixe diminutif -et. Ici encore les deux voyelles appartiennent à deux syllabes différentes.

La finale -ions. — De fort bonne heure ce bel ordre étymologique fut quelque peu troublé par l’analogie. Ainsi l’ancien français avait au subjonctif une désinence de 1re personne du pluriel en -ions, qui correspondait en dernière analyse à latin classique -eamus, -iamus, c’est-à-dire en latin vulgaire -yamus ; naturellement elle ne faisait qu’une syllabe : a-ions « ayons ». Il avait d’autre part pour désinence de la même personne à l’imparfait et au conditionnel une finale -ions correspondant à -e(b)amus, qui comptait pour deux syllabes en vertu de la règle β : a-vi-ons, en latin habebamus. L’unification se fit très tôt d’après le subjonctif. On n’eut plus dès lors de finale -ions dissyllabique que dans les substantifs abstraits tirés par voie savante du latin classique : nous pa-ssions, mais les pa-ssi-ons.

Influence d’un groupe de consonnes. — Mais un peu plus tard la prononciation changea : un i devant une voyelle devint y, sauf quand il était précédé de deux consonnes dont la seconde était r ou l. L’ancien a-vi-ons, qui était devenu a-vions comme on vient de le voir, se prononça alors avyons ; mais l’ancien de-vri-ons, qui était devenu de-vrions, se prononça de nouveau en trois syllabes avec un i voyelle : de-vri-ons. De même l’ancien ou-vrier, de latin operarium, se prononça ou-vri-er ; l’ancien dissyllabe san-glier devint trisyllabique : san-gli-er. Cette nouvelle manière de compter n’est une règle que depuis le commencement du xviie siècle. On la doit surtout à l’in-