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Page:Grammont - Petit traité de versification française, 1908.djvu/29

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français puisque ce le y était enclitique et atone ; l’accent était sur la syllabe -tez. Mais de fort bonne heure l’accent s’est déplacé ; il a quitté la syllabe -tez pour se porter sur le mot le. L’élision de ce dernier dans cette position est donc aujourd’hui chose monstrueuse. Quand des poètes du xixe siècle l’ont admise :

Coupe-le en quatre, et mets les morceaux dans la nappe.

(Musset)

De recevoir le linge. — Eh, reçois-le en personne.

(Augier)

ils ont ignoré que la première condition pour qu’une voyelle puisse être élidée est d’être atone, et qu’un e, lorsqu’il n’est pas proprement muet, lorsqu’il se prononce et surtout lorsqu’il est tonique, est l’équivalent de n’importe quelle autre voyelle. Il fallait compter l’e de reçois-le en personne comme on aurait compté l’a de reçois-la en personne, et ne pas se croire autorisé à violenter la langue par l’exemple d’un usage ancien dont on n’avait pas pénétré les raisons.

L’hiatus en ancien français. — Quant à l’hiatus, il était en ancien français admis dans les vers avec la même liberté que dans la prose :

En cest voloir l’a Amor mis
Qui a la fenestre l’a pris[1].

(Chevalier au lion)

O ele espoir n’i ovra onques[2].

(id.)
  1. « Ce désir lui a été inspiré par l’Amour, qui l’a surpris à la fenêtre. »
  2. « Ou peut-être n’y a-t-elle jamais travaillé. »