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Page:Grammont - Petit traité de versification française, 1908.djvu/72

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Fuyards, | blessés, | mourants, | caissons, | brancards, | civières,
On s’écrasait aux ponts pour passer les rivières.

(Hugo, L’Expiation)

Différentes espèces de vers libres. — Quand un poème en dodécasyllabes contient çà et là des vers rythmés autrement qu’en tétramètres, on peut dire qu’il est en vers libres en se plaçant ou point de vue du rythme. Quand ses rimes, au lieu d’être plates d’un bout à l’autre, comme dans la tragédie, sont tantôt plates, tantôt croisées, embrassées ou répétées, on peut dire qu’il est en vers libres, en se plaçant au point de vue de la rime. Mais on réserve généralement le nom de poèmes en vers libres à ceux qui joignent à l’emploi éventuel de ces deux libertés celle d’entremêler des vers n’ayant pas le même nombre de syllabes. Ces derniers poèmes sont appelés aussi poèmes à mouvements variés, parce que les différents mètres qu’ils juxtaposent leur donnent des mouvements tantôt accélérés, tantôt ralentis, que n’ont pas au même degré les autres poèmes.

Difficultés du vers libre. — Ce mélange d’unités métriques inégales et diverses ne doit pas être affaire de hasard ni de caprice ; le poète peut à son gré entremêler les rythmes et les mètres, croiser, redoubler, espacer les rimes ; mais le tout doit être déterminé strictement par les nuances de l’idée qu’il exprime ; si bien que cette liberté périlleuse, loin de faciliter son œuvre, y accumule les difficultés. Lorsqu’il réussit à les surmonter toutes, c’est-à-dire à mouler exactement la forme sur le fond, il atteint par là toute la perfection dont son art est susceptible.

Vitesse relative des différents mètres. — Les