Page:Grammont - Petit traité de versification française, 1908.djvu/77

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Changement continuel de mètres. — Si l’on veut au contraire mettre en relief tous les détails d’un développement, tous les traits d’une énumération, on changera de mètre à chaque fois, passant tantôt d’un grand vers à un petit, tantôt d’un petit à un grand. Ainsi, dans le morceau qui suit, Mercure voulant persuader à Sosie que c’est lui qui est Sosie, met en relief chacun des faits qui sont ses arguments en changeant de mètre pour chacun d’eux :

C’est moi qui suis Sosie enfin, de certitude,
Fils de Dave, honnête berger ;
Frère d’Arpage, mort en pays étranger ;
Mari de Cléanthis la prude
Dont l’humeur me fait enrager ;
Qui dans Thèbe ai reçu mille coups d’étrivière,
Sans en avoir jamais dit rien ;
Et jadis, en public, fus marqué par derrière,
Pour être trop homme de bien.

(Molière, Amphitryon)

Les iambes. — Voilà pourquoi les pièces en iambes ont une telle intensité de force ; le mètre changeant à chaque vers, tout y est mis en relief. C’est en même temps ce qui fait la difficulté du genre : il faut que chaque vers contienne une idée ou au moins une nuance d’idée nouvelle :

C’était une cavale indomptable et rebelle
Sans frein d’acier ni rênes d’or ;
Une jument sauvage à la croupe rustique,
Fumante encor du sang des rois,
Mais fière, et d’un pied fort heurtant le sol antique,
Libre pour la première fois.
Jamais aucune main n’avait passé sur elle
Pour la flétrir et l’outrager ;
Jamais ses larges flancs n’avaient porté la selle
Et le harnais de l’étranger ;