Aller au contenu

Page:Grammont - Petit traité de versification française, 1908.djvu/78

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tout son poil était vierge, et, belle vagabonde,
L’œil haut, la croupe en mouvement,
Sur ses jarrets dressée, elle effrayait le monde
Du bruit de son hennissement.

(Barbier, L’Idole)

La vigueur, l’impression puissante de l’iambe n’est pas due seulement à ce que le mètre change continuellement, mais en même temps à ce que les deux vers qui alternent sont d’une part le plus lent et d’autre part le plus rapide des mètres ordinaires de la versification française. Le petit vers est souvent le plus saillant des deux parce que sa rapidité présente plus vivement l’idée qu’il contient et que fréquemment la phrase se termine avec lui ; mais en principe il y a un effet produit par le passage du petit vers au grand comme par celui du grand au petit.

Valeur propre des grands vers. — Lorsqu’un grand vers vient après un plus petit il y a en général ralentissement. Or un ralentissement, comme on l’a vu plus haut, produit un écartement analytique des idées, qui permet d’en considérer un à un les détails. L’effet qu’un grand vers produit alors par sa nature même est le contraire de celui qui résulte de l’emploi d’un petit vers : avec sa lenteur et son ampleur, qui l’ont fait choisir pour le genre épique, l’alexandrin convient à l’expression d’une idée grave, noble ou grandiose :

Le moindre vent qui d’aventure
Fait rider la face de l’eau
Vous oblige à baisser la tête ;
Cependant que mon front au Caucase pareil,
Non content d’arrêter les rayons du soleil,
Brave l’effort de la tempête.

(La Fontaine, Fables, I, 22)