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THÈS. Rivière du dép. de l’Hérault (V. ce mot, t. XIX, p. 1141).

THÈSE. Com. du dép. des Basses-Alpes, arr. de Sisteron, cant. de La Motte ; 276 hab.

THÉSÉE (Myth. gr.). Le héros national des Athéniens et, à ce titre, la plus grande figure de leur histoire légendaire. Les premières traces de sa popularité littéraire sont à chercher dans l’Odyssée qui connaît son expédition en Crète et ses amours avecAriadne : ses traits se précisent dans la poésie cyclique qui a chanté les combats contre les Amazones et peut-être fait de Thésée un héros épique, analogue à Héraclès ; la tradition de ces Théséides se perpétue d’ailleurs jusqu’au déclin de la littérature gréco-latine, donnant naissance à des œuvres auxquelles Aristote déjà dénie les qualités de la véritable épopée. Sappho et Simonide, parmi les lyriques, ont exalté ses exploits et ses aventures ; mais c’est surtout la poésie dramatique depuis Eschyle qui a réuni sur sa tête tous les caractères de l’Athénien idéal, illustre par la force que tempère la grâce juvénile, orné de tous les dons de l’esprit, habile dans la pratique des arts musicaux comme dans celle de la palestre, épris d’aventures guerrières qui se compliquent presque toujours de quelque roman d’amour, grand par son courage, plus grand encore par son dévouement au peuple et ses aspirations vers un gouvernement libéral et bienfaisant. Tous ces traits se résument dans le mot par lequel Plutarque ouvre une biographie semi-légendaire où sont condensés et les souvenirs de la fable et les données plus ou moins certaines de la primitive histoire : Thésée fut le fondateur de la belle et vénérable cité d’Athènes.

Par ses origines le héros est mis en rapport avec les divinités dans lesquelles est personnifié le génie des Ioniens de la Grèce continentale, avec Poséidon qui est son père réel par Aethra, sous le couvert d’Egée, roi d’Athènes ; avec Apollon, le dieu national des Athéniens ; avec Athéna, fondatrice et bienfaitrice de la cité ; avec Héraclès, enfin, auquel il fournit un pendant, celui de la vigueur gracieuse et intelligente, opposée à la force violente et brutale. (1 nait à Trézène, où il passe son enfance ; le centaure Chiron le forme aux exercices du corps ; Connidas est son précepteur. A seize ans, il voue sa chevelure à Apollon Delphien et se met en route pour Athènes afin de s’y faire reconnaître par son père à l’aide des signes naguère convenus avec sa mère. Egée, qui n’a pas d’autre enfant, est sur le point de l’empoisonner sur les conseils de Médée, lorsqu’il découvre en lui le fils promis par l’oracle. Mais il faut que Thésée fasse valoir ses droits à l’héritage contre les cinquante fils de Pallas, frère de son père, tous géants vigoureux qui s’arment pour l’expulser. Ce fut le plus beau des exploits par lesquels il se signala, devenant, comme un autre Héraclès, dompteur de monstres, vain [ueur de brigands fameux qui infestent l’Attique. Déjà, dans son voyage de Trézène à Athènes, il avait successivement vaincu Periphétès, fils d’Héphaistos, géant redoutable, qu’ildépouillede sa massue d’airain en le tuant ; Sinis qui, à l’isthme de Corinthe, arrêtait les voyageurs et les faisait sauter en l’air après les avoir forcés à courber avec lui des troncs de pins qu’il lâchait ensuite ; la truie Phaîa, qui infestait les régions montagneuses de Commyon ; Sciron qui, à l’endroit le plus dangereux du passage, précipitait dans la mer du haut des rochers tous ceux (jui passaient à sa portée, et que Thésée précipita à son tour ; Cercyon, lutteur fameux d’Eleusis, qui n’avait jamais connu de défaites et qui ne résista pas au jeune athlète venu de Trézène ; enfin, le géant Procruste, soumis, entre Eleusis et Athènes, au supplice qu’il avait fait subir à tant d’autres. Après la défaite des Pallantides, Thésée débarrasse la région de Marathon, d’où sa légende parait originaire, d’un taureau qui causait parmi les hommes et les animaux les plus terribles ravages. Dans cet épisode, le héros apparaît nettement comme une personnification solaire. Ce caractère s’accentue encore dans l’expédition que, pour le salut des Athéniens soumis à un tribut cruel autant que déshonorant, il entreprend contre la Crète : avec le secours d’Ariadne, fille de Minos, il s’oriente dans le labyrinthe et tue le Minotaure. Parti sur la galère aux voiles noires qui emportait chaque année sept jeunes gens et sept jeunes filles destinées au monstre, il revient victorieux, abandonne à Naxos son amante que consolera Dionysos, mais oublie de hisser les voiles blanchçs, signal convenu du succès, ce qui cause la mort d’Egée. Désormais, Thésée va nous apparaître comme législateur et souverain bienfaisant ; il forme en un seul organisme politique les communes indépendantes groupées autour de l’Acropole ; il réunit la Mégaride à Athènes ; il institue la fête des Panathénées, laquelle est la consécration religieuse de l’unité politique et administrative de la cité ; il est de même le fondateur de la fête des Metœkia, au dire de Plutarque, plus exactement de celle des Synœkia, qui avait pour objet de commémorer l’heureux résultat de cette union ; et enfin la fête des Isthmia, en souvenir de sa victoire sur le brigand Sinis. Pour le surplus, la poésie, à partir du siècle de Périclès, s’attache à faire de Thésée un précurseur des législateurs qui, comme Solon, ont fondé le gouvernement d’Athènes sur les principes de liberté et d’égalité démocratiques ; les Suppliantes d’Euripide font même de lui un véritable démocrate. Nous trouvons des tendances analogues dans l’histoire légendaire de Rome, où Servius Tullius est représenté comme une sorte de roi populaire qui, peu avant sa mort, aurait songé à abdiquer pour constituer la forme républicaine. Par ces dernières aventures, Thésée est mêlé à la chasse du sanglier de Calydon et à l’expédition des Argonautes ; mais il est douteux qu’il y ait là autre chose que des inventions poétiques, sans rapport avec la légende populaire. Il en est autrement de la guerre contre les Amazones où il est assisté par Héraclès ; là encore, nous le trouvons se reposant des combats dans l’amour ; Antiope, reine des Amazones, s’éprend de lui et il a d’elle un fils dont la tragédie grecque a chanté le destin, Hippolyte, le chaste héros devenu victime de la jalousie de Phèdre qui a succédé à Antiope dans les bonnes grâces de son père. Avec Pirithons, le héros national des Thessaliens, Thésée enlève Hélène alors âgée de douze ans ; puis il descend aux enfers pour y ravir Perséphoné à Hadès. Les deux amis y sont enchaînés et ne doivent leur délivrance qu’à l’amitié d’Héraclès qui entreprend pour eux le sombre voyage. Au retour, Thésée trouve Athènes sous le pouvoir de Mnesthée ; celui-ci le fait bannir par ostracisme, en raison de la souillure que lui a fait contracter la mort de son fils Hippolyte. Le héros s’en va alors à Scyros où il périt de mort violente, précipité dans les Ilots par Lycomède ou y tombant par accident. Mais il reste vivant dans la mémoire des Athéniens, défendu contre l’ingratitude des foules par les poètes et les artistes qui proclament son apothéose dans leurs œuvres, jusqu’à ce que le sentiment national, exalté par les guerres médiques, la lui procure dans le culte réel de la cité. On racontait, au lendemain de la bataille de Marathon, qu’il était apparu au milieu des combattants et qu’il avait contribué pour sa bonne part à la victoire. Cimon en grande pompe ramena ses cendres de Scyros ; la reconnaissance de ses concitoyens lui fit élever un temple qui subsiste encore ; c’est le monument de style dorique, le mieux conservé de tous les édifices gréco romains, qui s’élève au N.-O. de la citadelle et de l’aréopage, sur le plateau d’Hagia Marina et appelé pour cette raison Theseion : cette identification a été contestée par des arguments plus subtils que probants. En même temps, on institua une grande fête nationale, les Theseia, fixée au huitième jour du mois Pyanepsion, lendemain des Oschophories célébrées en l’honneur d’Apollon ; d’ordinaire, ce jour-là, on ensevelissait daus les tombes, aux frais de l’Etat, les soldats morts pour la patrie à l’étranger, comme Thésée lui-même était mort à Scyros.