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DEVANT UNE POULE QUE DERRIÈRE UN BŒUF.

ouvrit ses yeux appesantis par le vin, et lui récita ce vers avec un accent de joyeuse insouciance :

 Je suis ivre, je veux dormir : ainsi, allez vous promener !

Mais le fermier ne se méprit pas à cet accueil si peu obligeant.

— Le Fou des Fleurs, dit-il, sait bien que telle fut la réponse du Nénuphar Bleu (du poëte Ly-Pe) quand le comédien Koueï-Nien allait le chercher de la part de l’empereur ; mais M. Hou-Kong, qui est un homme civil en même temps qu’un poëte distingué, ne voudra pas repousser l’humble demande de son plus indigne serviteur.

À ces paroles si convenables, Hou-Kong sentit qu’il avait affaire à un amateur de poésie ; et, se levant, il le salua d’un tchin-tchin empressé.

— Le vieux Chinois, dit-il ensuite, croit avoir aperçu Votre Seigneurie cultivant des fleurs dans un jardin fermé de bambous.

— Il est vrai, répondit Hoa-Tchy, que j’ai dans un misérable recoin de terre quelques pauvres plantes qui ne méritent pas d’arrêter les regards de Votre Seigneurie ; et pourtant, telle est l’idée que je me fais de ses bontés, que je la crois capable d’y venir passer une heure ou deux, en compagnie de quelques amis, qui, de temps en temps, boivent et composent des vers en écoutant chanter les loriots dans cette pauvre retraite.

— Rien de plus agréable qu’une aussi glorieuse invitation, répliqua Hou-Kong; mais quel jour, s’il vous plaît, permettrez-vous à votre humble serviteur d’assister en silence à cette fête de l’amitié ?