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UN BARBIER RASE L’AUTRE

me fait pitié. Bien qu’il ne soit pas mon père, jetons, comme la fille de Loth, un voile sur sa faiblesse.

(Il l’emporte dans son arrière-boutique.)

L’alcade, arrivant à grands pas. — Barcino ! Barcino !… Où diable se cache ce maudit sereno ?… Huit heures du matin, et pas de rapport encore !… Le corrégidor, que va-t-il dire ? à qui demander ?… Justement voici mon affaire. Seigneur Figaro ! seigneur Figaro ! je cherche le sereno du quartier ; ne l’auriez-vous point vu, par hasard ?

Figaro. — Nullement. Mais, toute la nuit durant, je l’ai bien assez entendu pour mes péchés. (Parodiant la voix de Barcino.) « Le temps est beau !… la nuit est belle !… » Pensez que j’avais un bon mal de dents, et que je donnais de bon cœur au diable votre importun crieur de nuit !

L’alcade. — Ainsi donc, après tout, le drôle n’a pas manqué à ses devoirs… Mais ce matin, ce matin, seigneur Figaro, où diable pensez-vous qu’il soit ?

Figaro. — Je l’ignore, illustre alcade ; mais je gagerais fort qu’il s’occupe de la sécurité publique. Quel brave corchete vous avez là ! Personne ne s’entend comme lui à dépister nos drôlesses, et je l’ai vu un jour, à la porte de Xerez, désarmer à lui seul six fameux rufians, dont les épées passaient la longueur voulue par les ordonnances. Je restai stupéfait devant son audace, sa résolution et sa dextérité. C’était merveille que les coups qu’il portait d’estoc et de taille, ses revers, ses parades et son œil toujours au guet pour qu’on ne le prît point par derrière. Bref, ce nouveau Rodomont mena ses ennemis tambour battant, depuis la porte en question jusques au collége de maître