Page:Grave - La Grande Famille.djvu/179

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l’escrime à la baïonnette sous la neige, le maniement d’armes sous la pluie, les marches rendues meurtrières par leur prolongation insolite, les mille et un ennuis qu’un officier peut susciter à ses hommes dans l’interprétation des ordres et des règlements.

Loin de la férule des chefs, les esclaves se consolaient de leur pusillanimité en se remémorant leurs fatigues, leurs douleurs, les actes d’injustice dont ils avaient été victimes ou qu’ils avaient vu commettre. Ils se vengeaient en récriminant contre leurs tyrans, sauf à trembler en leur présence.

Bracquel s’était retiré dans sa chambre de chef de poste avec ses deux caporaux de garde ; il finissait de se cuiter en vidant un litre d’eau-de-vie qu’il avait rapporté de sa dernière excursion chez le marchand de vins d’en face.

Dans le poste, on avait soif aussi ; un des hommes qui avait reçu de l’argent dans la semaine proposa de se cotiser pour acheter un litre d’eau-de-vie, si quelqu’un se risquait à l’aller chercher pendant que Bracquel était enfermé.

Chacun mit ce dont il pouvait disposer, l’auteur de la proposition compléta la somme, et un de ceux qui n’avaient rien donné s’offrit à faire la commission : cinq minutes après on sifflait l’eau-de-vie d’un trait, sur le pouce.