Page:Grave - La Grande Famille.djvu/199

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pas vraies, mais que leurs « héros », en qualité de galonnés, se croyaient forcés d’amplifier et d’enjoliver, au gré de leurs conceptions. Cela les posait auprès de leurs subordonnés ; ils passaient pour des roublards ; on les admirait, on les enviait.

Le plus souvent, au contraire, ils vont se faire plumer du peu d’argent qu’ils possèdent dans ces cabarets à « veuves » dont ils sont les plus fidèles abonnés ; dans l’espoir de capter les bonnes grâces de la patronne, ils s’endettent pour y faire de la dépense, ils y entraînent les pigeons que leur livre la discipline, heureux quand ils ont pu pincer un genou, ou obtenir un baiser que l’on ne refuse à aucun client « sérieux ».

Aussi, pour se rattraper, et se poser, ils enjolivent leurs histoires de noce de tous les détails que leur pauvre imagination ne peut guère varier, mais qu’ils supposent capables de les faire admirer.

Ce qui horripilait Caragut encore plus que d’entendre raconter ces gravelures, c’étaient les rires et les applaudissements de l’auditoire.

En voyant ces hommes de vingt à vingt-cinq ans n’avoir dans la tête que le souvenir des noces passées ou les appétits des noces à venir, et se délecter à des histoires qui soulèvent le cœur, Caragut comprenait pourquoi la bourgeoisie se cramponne au maintien des armées permanentes, pourquoi