Page:Grave - La Grande Famille.djvu/287

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taire qui accentuait les précautions prises contre les travailleurs du Port, c’est qu’il n’avait jamais eu à subir aucune réglementation dans son travail, n’avait pâti dans aucun enfer industriel.

Son métier de cordonnier lui permettait de travailler chez lui ; or, sauf le servage de la famille, il n’avait pas eu à se plier aux règlements d’atelier, n’avait jamais connu les exigences d’un chef d’usine, n’avait jamais trimé sous l’œil d’un garde chiourme ; jamais, pour lui, n’avait sonné la cloche annonçant la rentrée et la sortie du bagne.

Car, en somme, ce qu’il voyait faire ici, en grand, avec l’appareil militaire, ne le faisait-on pas, en petit, dans les usines et les grands centres industriels avec moins de pompe il est vrai, mais d’une façon tout aussi vexatoire. Affaire de milieu, tout simplement. Que d’humiliations, que d’oppression, que de vilenies, le travailleur n’a-t-il pas à subir partout, pour arriver à gagner le morceau de pain qu’on lui mesure si parcimonieusement ! Vexations qu’il finit par supporter sans s’en rendre compte, par simple habitude.

Aussi le défilé terminé et le poste rentré au corps de garde, Caragut se mit à réfléchir.

Jusqu’alors, l’idée de République avait répondu à toutes ses aspirations ; non la république du moment qui se trouvait, pour l’instant, aux mains des