Page:Grave - La Grande Famille.djvu/339

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Oh ! s’il la rencontrait, il ne la laisserait pas échapper cette fois, il trouverait le courage de parler.

Certainement, la vie de l’ouvrier marié est dure, mais il aurait de la volonté, et ayant eu plus que sa part de tourments, il se sentait le droit d’espérer un avenir plus riant.

Puis, se reprochant d’escompter la mort de son père, il ajournait toute cette félicité à la fin de son service.

On le verserait dans une compagnie allant en Cochinchine, il verrait du nouveau, cela le changerait, cette vie d’alertes l’enlèverait à la monotonie énervante de la caserne ; il essayait alors de se faire une idée de la vie coloniale, un tableau de paysage oriental, d’après les récits de ses collègues.

Oh ! il y aurait sans doute d’autres misères en perspective : la dyssenterie, l’anémie, la fièvre, sans compter les insolations et le coupe-coupe des Annamites ; mais on pouvait y échapper, tandis qu’il n’échapperait pas ici, cela il le sentait, à la folie d’un coup de tête : tout plutôt que l’abrutissement de la caserne, que mener encore quatre ans cette vie de forçat !

Et, dans l’horreur qu’il ressentait, il s’était mis sans s’en apercevoir, à gesticuler sur son lit.

— Qu’est-ce que tu as donc ?… fit Mahuret qui