Page:Grave - La Grande Famille.djvu/89

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mais, comme le lieutenant était, les trois quarts du temps, en congé de convalescence et que le sous-lieutenant n’était pas encore remplacé, le véritable maître était le sergent-major Chapron.

Ce sergent-major, un pince sans rire, ne pouvait regarder fixement, sans que tout un côté de la face se contractât et lui fit faire la grimace en clignant de l’œil. On avait été longtemps sans le voir à la compagnie, il était à l’hôpital en train de soigner une syphilis rétive qu’il avait rapportée de Cochinchine ; aussi les sergents, sans contrôle, avaient pu à loisir développer leurs facultés de carottiers et mettre en coupe réglée les naïfs qui se laissaient prendre à leurs finasseries ou à leurs menaces. Noceurs et pochards, ils s’étaient parfaitement entendus pour exploiter le « bleu » à l’arrivée de la classe. Aidés des caporaux, ce qu’ils en avaient fait verser de sous pour matriculer les gamelles ou acheter des cruches dans chaque escouade ! La compagnie ayant reçu deux cents hommes, ils avaient fait une assez bonne récolte.

Le sergent-major revenu, soit qu’il fricotât avec eux, soit que de son côté il eût besoin de leur complicité, ils faisaient bon ménage ensemble, toujours fourrés à la chambre de détail, d’où le chef ne sortait que pour aller en ville, ils continuaient leur petite industrie.