Page:Grave - La Grande Famille.djvu/91

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fugier dans les caboulots ; j’ai une indigestion du premier et n’ai pas le sou pour aller dans les seconds ; du reste, enfermé pour être enfermé, je préfère rester ici. Et toi, tu as à sortir ?

— Oui, il y a Bourdin qui a touché hier dix francs de chez lui, il régale, nous descendons à Brest. Tu aurais pu venir avec nous.

— Merci, mais je te l’ai dit, je n’ai pas le sou et n’en attendant de personne, je ne me soucie pas d’être à la charge des camarades. Non, je reste, je vais tâcher de trouver quelque chose à lire, par là, sur les planches. Et si je m’ennuie trop, je dormirai.

— Tu en es déjà là ! et tu n’as guère plus de six mois de faits !… Mon pauvre vieux, si tu continues, je ne te donne pas un an pour claquer de chagrin.

— Que veux-tu, il y a des jours où c’est plus fort que moi, rien qu’à me sentir cette livrée sur le corps, ça m’horripile, ça me consume. Je comprends l’allégorie de la tunique de Nessus… J’ai beau me raisonner, mes pensées, malgré moi, sont tournées au noir… Bah ! après tout ça passera, va… Tiens, v’là la soupe qui sonne, je vais chercher nos gamelles.


La soupe mangée, la caserne ne tarda pas à se