Page:Grave - La Société future.djvu/287

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de les laisser à leur paresse que de créer une organisation qui, — la société actuelle nous le prouve — ne pourrait les contraindre au travail mais pourrait bien, elle, se tourner contre nous ?

Rappelons-nous la fable du jardinier qui s’en va chercher son seigneur pour le délivrer du lièvre qui lui a mangé quelques feuilles de choux et de ce qui lui en cuisit. Nous croyons être plus pratiques et démontrerons que l’on n’a pas besoin de gendarmes ni de juges pour éduquer ceux que l’on appelle les fainéants, — si réellement il en existe, — de la force de ceux que l’on nous objecte.

Du reste, selon nous, au sens strict du mot, il n’existe pas de véritable fainéant. Il n’y a que des individus dont les facultés n’ont pu se développer librement, dont l’organisation sociale a empêché l’activité de trouver leur direction normale, et que ce commencement de déclassement a précipités dans une situation fausse, a achevé de démoraliser et de gangrener.

Si on calcule la somme énorme d’efforts qu’il faut que dépense pour vivre le fainéant qui n’a pas de capital à exploiter, on verra que l’activité musculaire et cérébrale qu’il dépense en marches et contre-marches est parfois supérieure à celle qu’il utiliserait dans une occupation régulière.

Pour décrocher un déjeuner d’un camarade, il lui fera une foule de travaux qui vaudront parfois plus que la pitance qu’il en tirera. Pour en taper un autre de quarante sous, que de services ne s’ingéniera-t-il pas à rendre ; pour une absinthe on lui fera faire la traversée de Paris. Ces hommes dépensent leurs forces inutilement, d’accord, mais enfin ils les dépen-