Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/119

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Était-ce une invention de Rossignol ? Jamais je ne m’étais aperçu que j’étais filé. Toutes les semaines, il est vrai, j’allais au Palais de Justice, au Petit Parquet, faire le dépôt des deux numéros obligatoires, signés. Peut-être était-ce un de ces jours-là !

En tout cas, j’étais bien innocent de la plaisanterie que m’attribuait Rossignol. Je me contentai de lui répondre : — Si vous croyez que je m’occupe de vous autres ! J’ai bien d’autres chiens à peigner.

À un autre moment, — car on faisait la causette — comme il était question de ceux qui venaient au bureau, il lança, sans avoir l’air de rien :

— Il vient beaucoup de compagnons ici, mais il doit bien s’en trouver de la boîte !

— Ceux de la boite ont de bien trop sales gueules et sont bien trop bêtes pour que j’aie grand mal à les brûler, rétorquai-je.

Le simulacre de perquisition — car elle n’eut rien de sérieux — ayant pris fin, Coron réunit une demi-douzaine de lettres qui se trouvaient sur la table et se préparait à les empaqueter pour les emporter.

— Il vous faut absolument emporter quelque chose où vous passez, Vous ne pouvez vous en aller les mains vides, lui dis-je.

— Et puis, ça lui ferait peut-être faute pour son journal, fit Rossignol, bon apôtre, ajoutant d’un air bonasse : Qui sait ? il y en a qui viennent peut-être de la boîte.

Était-ce un mot d’ordre pour me faire croire que nous étions entourés de mouchards ?

Goron hésita un instant, tourna et retourna les lettres dans ses mains, se décida à la fin à les laisser sur la table, et se retira avec ses acolytes.

C’était la première fois que des policiers quittaient le bureau sans rien chaparder.

Les camarades arrêtés pour le vol de Soisy passèrent en jugement. L’attitude de tous fut très énergique. Celle de Faugoux goguenarde. Ils furent condamnés à des peines très sévères. Pour sa part, Etiévant attrapa cinq ans.