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EN RACONTANT

ils se séparèrent les meilleurs amis du monde : elle, en remerciant Dieu de l’avoir délivrée de ces importuns. Elle passa ainsi plusieurs années de sa vie, années telles qu’il est donné à bien peu de femmes d’en connaître de semblables.

Enfin Gitony décida de se transporter sur la Côte Nord où je le rencontrai. Sa femme lui avait souvent demandé de venir demeurer à Québec, mais cela n’entrait pas dans ses goûts. Une fois elle s’enfuit, tandis qu’il était absent, avec l’intention de lui faire dire, aussitôt après son arrivée à Québec de venir la rejoindre. C’était le seul procédé qu’elle connût pour l’induire à abandonner ces plages désertes. Mais lui, arrivant cette fois plus tôt qu’il n’était attendu, suivit la piste de sa femme sur le sable du rivage et la rencontra sur le chemin conduisant à une localité où elle espérait trouver une goëlette qui la ramènerait au milieu de la civilisation, qu’elle souhaitait tant de revoir : il revint avec elle au logis.

Ma présence parut lui donner un nouveau courage, et je conseillai fortement son mari de monter à Québec où je lui procurerais de l’ouvrage. Il vint l’été suivant, et trouva bientôt de l’emploi comme tonnelier ; mais, après un séjour de quelques jours en ville, madame Gitony tomba de nouveau malade, et j’appris avec surprise, peu de temps après, qu’elle était retournée au Labrador.