Page:Grelé - Jules Barbey d’Aurevilly, L’œuvre, 1904.djvu/181

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manteau de pourpre qui rende plus éclatante encore sa douleur et plus rouge le sang qu'il répand. Non ! il est simple, uni, grave comme il convient à qui souffre. Il rime vaille que vaille, — plutôt mal que bien, — et avec force « chevilles » pour dire le plus franchement possible le mal qui le torture :

buste, idolâtré de mon enfance folle. Buste mystérieux que je revois ce soir, Quand rien, rien dans mon cœur n'a plus une auréole, Tu rayonnes toujours, jaune, dans ton coin noir, buste, ma première idole !

Tous les bustes vivants que j'ai pris sur mon cœur S'y sont brisés, usés, déformés par la vie... Leur argile de cbair s'est plus vite amollie Que ton argile, ù buste, — immobile effigie Et du temps inerte vainqueur ! [i)

Ce sont des vers de la vieillesse de Barbey d'Aurevilly. On peut les rapprocher, pour la simplicité de l'accent, la négligence de la forme et la sincérité des sentiments, de cette autre pièce retrouvée dans un très ancien cahier de jeunesse :

A qui rèves-tu si tu rêve. Front bombé que j'adore et voudrais entr'ouvrir, Entr'ouvrir d'un baiser pénétrant comme un glaive, Pour voir si c'est à moi, — que tu fais tant souffrir! front idolâtré, mais fermé, — noir mystère. Plus noir (jue ces yeux noirs qui font la Nuit en moi. Et dont le sombre feu nourrit et désespère

L'amour affreux que j'ai pour toi !

(1) Poussières (éd. Lemerre, 1897), p. S.

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