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offre pas au feuilletoniste, mais à l'ami, et, — que le diable emporte entre nous les bêtises de la modestie ! — au parent intellectuel que j'aime le plus de tous mes cousins. Quand je vous lis, mon très cher, j'ai des sym- pathies trémoussantes dans le cours de mon sang qui me font croire que c'est la même chose que nous avons dans le cerveau et dans les veines... Voici mon livre, ma main et mon cœur. Tout à vous ».

Sur ces entrefaites, vers la fin de 1853, Barbey d'Au- revilly avait rencontré un jeune poète de trente-deux ans, alors tout à fait inconnu, Charles Baudelaire. Sans délai, ils se lièrent, sinon d'amitié, du moins d'affinité intellectuelle. Ils se recherchèrent et se comprirent. Baudelaire goûta au plus haut point les '< morbidesses » éparses dans /'.l;>iO«r Impossible, la Bague cl' AnnibaL Une Vieille Maîtresse, le Dessous de Cartes d'une Partie de Whist, — cette première Diabolique, parue en 1850 dans la Mode, — et les Poésies, — les Poussières, — de l'écrivain normand. Il est infiniment probable que le satanisme catholique de Barbey inspira plus d'une pièce des Fleurs du mal : ce qui est certain, c'est que les œuvres de d'Aurevilly impressionnèrent vivement le traducteur de Poë et eurent un retentissement profond sur l'ensemble de ses créations. Autant donc le causeur des salons parisiens, l'historien des élégances à la Brummell, le peintre éclatant de V Ensorcelée avait eu d'attrait sur Paul de Saint-Victor et l'avait enchanté, autant l'ironiste de la Bague, le catholique audacieux des Prophètes, le moraliste des perversions passionnelles d' Une Vieille Ma/tresse séduisit Charles Baudelaire. Le païen Saint-Victor, qui était « une belle phrase faite homme v, trouva sa pâture dans les somptueuses et étincelantes créations du romancier ; le chrétien Bau-