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Page:Grenier - Souvenirs littéraires, 1894.djvu/23

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fit asseoir en face de lui, et je pus contempler enfin cette noble figure de tout près. Grand, maigre, élancé, portant la tête haute, le regard droit, la voix sonore, le geste large, il semblait fait pour le gouvernement des hommes et pour le porter légèrement : rien d’agité ni de compassé ; une sorte d’allégresse héroïque l’animait. Il m’accueillit avec une affabilité charmante et par des paroles trop flatteuses. J’ai su depuis que c’était son habitude : il voyait tout en beau et en grand. Je lui exprimai mon émotion, mon bonheur de le voir enfin, à cette heure où il était l’espoir et le salut de la France, après en avoir été l’enchanteur poétique ; j’ajoutai que je n’avais pas besoin de lui dire avec quelle joie je servirais sous ses ordres une politique inaugurée avec tant d’éclat par le manifeste à l’Europe qu’il venait à peine de publier. Il me fit quelques questions sur les pays que je venais de visiter et me congédia en me promettant de me rappeler très prochainement pour m’annoncer la place qu’il me destinait dans sa diplomatie.

Cette nomination ne fut pas aussi prompte qu’il l’avait pensé et que je l’espérais. Elle tarda plus d’un mois.

En attendant, j’avais de quoi m’occuper et me distraire : Paris offrait le plus curieux et le plus étrange des spectacles. Je l’ai dit, rien ne peut en donner une idée. L’Hôtel de Ville était comme le