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Page:Grenier - Souvenirs littéraires, 1894.djvu/24

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cratère d’un volcan. Tous les éléments révolutionnaires encore en fusion y bouillonnaient au grand jour, prêts à déborder sur la France et l’Europe.

Le Gouvernement provisoire était la seule et frêle digue qui contînt encore les partis. Tantôt il avait la force de s’opposer à leurs efforts, tantôt il avait la faiblesse d’y céder pour donner à l’anarchie une apparence de légalité. Ouverte ou cachée, la lutte était partout, même au sein du pouvoir.

L’Hôtel de Ville avait l’air d’une ruche ; la place regorgeait de monde, et c’était un va-et-vient perpétuel sur les escaliers du vieux palais, témoin de tant de révolutions. Pourtant on n’y entrait qu’en vertu d’une mission expresse ou muni d’un laissez-passer. J’en avais un qui m’avait été donné par un de mes amis, fort avant dans le mouvement : Bixio, homme rare, dont j’aurai à parler plus tard. Je m’en servais presque tous les jours ; je m’asseyais dans un coin de la grande salle, et j’assistais aux manifestations. On appelait ainsi l’irruption d’une bande quelconque de citoyens qui venaient poser une question et souvent même un ultimatum aux détenteurs du pouvoir. Il y en avait de tout genre, de ces manifestations. Le comique s’y mêlait au tragique, et la niaiserie y coudoyait l’héroïsme. Le flot populaire venait battre à chaque instant la salle où se tenant le Gouvernement provisoire. Vacillant,