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Page:Grenier - Souvenirs littéraires, 1894.djvu/47

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Il humait ainsi encore quelque bouffée de cette popularité qu’il avait respirée jadis à pleins poumons. Autre exemple : en montrant son buste par le comte d’Orsay, qui ornait l’extrémité du petit salon de la rue Ville-l’Évêque, il lui échappait de dire naïvement : « Regardez ! Oui, voilà ce beau front, ces traits purs ; comme ils sont bien rendus ! » Mais il ne faut pas s’y méprendre : ce n’était pas la fatuité d’un snob, il ne pensait pas qu’il était question de lui, il en parlait comme s’il s’était agi d’un autre et comme il eût parlé d’un autre. Il s’oubliait, j’en suis sûr, comme il le faisait avec tant d’ingénuité pour ses vers. Le soir de la première représentation de son drame de Toussaint-Louverture, il rentra de bonne heure chez lui. « Mais ce n’est pas fini, lui dit-on. Comment la pièce a-t-elle marché ? – C’est ennuyeux comme la pluie ! » répond-il tranquillement. Et il s’assied sans plus de détail, et avec la plus parfaite et sincère indifférence. Un autre soir, et ceci est la contrepartie, il était question d’un nouveau recueil de ses poésies. Ponsard était présent. « J’espère bien, lui dit-il, que vous n’avez pas oublié telle pièce de vers ? – Laquelle ? demanda Lamartine, je ne m’en souviens plus. » Alors Ponsard se met à la réciter. Lamartine l’écoute et l’interrompt de temps en temps par des exclamations admiratives, des bravos, comme si la pièce eût été de Ponsard. Voilà les deux côtés de la