Page:Grenier - Souvenirs littéraires, 1894.djvu/50

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tous les hommes de génie, des vues perçantes, des mots profonds et éclatants, des idées originales venues de haut, des idées rapides qui illuminaient tout à coup l’horizon de la pensée. Quand on a la flamme, on a aussi les étincelles. Qu’on se rappelle cette jolie réponse à ceux qui lui demandaient où il siégerait à la Chambre des députés : « Au plafond ! » Et à ceux qui lui reprochaient d’user de la réclame : « Dieu lui-même a besoin qu’on le sonne ! » Musset, qui avait tant d’esprit, aurait-il mieux trouvé ?

En somme, peu d’hommes reçurent du ciel des dons plus magnifiques ; peu d’hommes ont eu une destinée plus glorieuse. Sans doute la fin en a été assombrie par l’infortune et l’abandon. Mais quelle fin n’est pas triste ? Quel coucher de soleil n’est pas mélancolique ? Et puis n’est-ce pas le sceau de toute vraie gloire ? Lamartine lui-même ne dit-il pas quelque part qu’il y a une harmonie sublime entre ces trois mots : gloire, génie, infortune ? Ne l’avait-il pas prédite dès sa jeunesse, cette loi fatale de tout grand poète ? Qu’on se rappelle l’ode à Manoël des Premières Méditations :

On dirait que le ciel aux cœurs plus magnanimes
Réserve plus de maux.

Il semble, du reste, qu’il a toujours eu l’intuition de son avenir, même politique. À Athènes, en