Page:Groslier - À l’ombre d’Angkor, 1916.djvu/158

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Les nuits sont pleines de bruits étranges. La panthère est venue prendre une cage de poulets, hier, sous ma sala. On a beau se convaincre qu’on ne risque rien, qu’elle ne monte jamais dans les cases et que le moindre bruit la met en fuite, il n’en est pas moins vrai qu’on ne dort pas tout à fait à l’aise dans le voisinage de cette rôdeuse cruelle. Il résulte de toutes ces circonstances une surexcitation que la fatigue favorise et que la solitude entretient.

La tristesse m’envahit alors. Elle est comme un voile qui s’étend sur chaque chose et que le moindre mouvement agite. Et l’on se trouve désemparé, inactif, ce voile en main — tels ces pêcheurs infortunés, debout sur la rive, leurs filets vides au bout du bras.

J’en viens à me demander si mes efforts seront féconds ; si grâce à eux et à ma conviction, la science au service de laquelle je me suis consacré, fera un seul pas. Ruminant les heures tristes de mon exil, dans l’insomnie ou les inactions forcées, ma jeunesse qui se passe ainsi me montre l’amertume du sort qui lui est fait.

Les lettres de mes amis, qui s’espacent d’ailleurs