Page:Groulx - Jeanne Mance, 1954.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 20 —

sont penchés sur son histoire — et je ne parle pas de ses plus récents historiens — ont été frappés par ce qu’il y avait en Jeanne Mance d’impressionnante virilité, et peut-être, faudrait-il dire, de magnétisme irrésistible. Chacun a reconnu son don de commander et de se faire obéir. Je lis dans l’historien Faillon que, dès le premier hivernement de la colonie à Québec, « tous l’honoraient comme si elle eût été leur mère et avaient pour ses moindres volontés une soumission d’enfants ». Lors des fêtes de l’Hôtel-Dieu de Montréal en 1909, l’abbé Lecoq insistait, à son tour, sur ce trait de caractère : « Jeanne Mance, c’est la femme forte capable de prêcher aux anges — ainsi qu’on a dit du Père de Condren ; Jeanne Mance à Montréal, c’est l’initiatrice de tout ce qui s’est fait de grand au début de la colonie. Jeanne Mance devant l’histoire, c’est la femme devenue chef. Dux femina facta. » Aux mêmes fêtes de 1909, pour célébrer Jeanne Mance, Mgr  Bruchési évoquait une autre Jeanne, la Jeanne casquée de la chevalerie, celle qui menait les hommes à la bataille, la lance au poing, et qui fut, une heure, chef de la France. À vrai dire, entre la Jeanne de Domrémy et d’Orléans et la Jeanne de Ville-Marie, les points de ressemblance ne manquent pas. Même foi intrépide, même esprit de vaillance, même force mâle.

Les dons extraordinaires de notre héroïne ont-ils de quoi nous étonner ? Les ressorts moraux de cette chrétienne sont ceux de tous les grands chrétiens. Elle ne met tant d’absolu dans sa vie que pour avoir accroché sa vie à l’Absolu. Son offrande à M. de La Dauversière nous le dit assez : elle ne s’est pas donnée à moitié ; elle s’est donnée sans réserve. Détachements suprêmes qui ont pour effet de conduire aux cimes mystiques. Déjà avancée dans les voies spirituelles, Jeanne Mance serait encore aidée, dans ses ascensions, par l’atmosphère montréalaise, atmosphère d’épreuves, de croix, de courage sublime, d’abnégation extraordinaire. L’on