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III

Vie extraordinaire


Une vocation extraordinaire, une personnalité extraordinaire appellent d’elles-mêmes une vie de même dimension morale. La vie de Jeanne Mance se partage en deux parts presque égales : la vie à Langres ; la vie au Canada. Deux parts aussi opposées que possible : l’une vécue au rythme calme, presque monotone, au fond d’une petite ville de province ; puis, sur un plan nouveau et après un changement de décor presque instantané, une autre vie, au rythme heurté, héroïque, toute en mouvement, en voyages, en fondations, en luttes, en épreuves à broyer l’âme.

Voyons d’abord Mlle Mance dans le rôle apparemment imprévu pour elle de fondatrice d’hôpital. Ville-Marie est née, nous n’avons plus à l’apprendre, autour d’un projet d’hôpital. Autour de cette idée première, comme autour de lignes maîtresses, s’ébauche et s’organise le plan de La Dauversière, à mesure que les « voix » du mystique de La Flèche le lui dessinent. Pour cet hôpital rêvé, conçu dans le ciel, n’est-ce pas une première merveille que la personne prédestinée à le fonder soit Jeanne Mance ? N’en est-ce pas une autre que la personne choisie ne soit pas une religieuse, mais une laïque ? Observation que l’on peut faire d’ailleurs pour l’œuvre entière de Ville-Marie. Les Associés de Notre-Dame de Montréal, groupés en France et qui ont conçu cette entreprise d’apostolat sans pareille dans l’Histoire missionnaire et même dans l’Histoire coloniale, ces associés sont en grande majorité des laïcs. Ceux et celles qui s’en viendront fonder la ville mystique, en jeter sur le sol montréalais les pierres d’angle : Maisonneuve, Marguerite Bourgeoys, Jeanne Mance, Lambert