Page:Groulx - Jeanne Mance, 1954.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 26 —

passés de quarante-cinq à neuf. Il faut remonter leur foi en l’œuvre canadienne discréditée par des envieux, jugée chimérique par les pusillanimes. Pour hâter les travaux de colonisation, ressaisir l’œuvre menacée, il faut trouver des hommes, des capitaux. La petite femme de Montréal risque une autre traversée, part pour la France ; elle y remonte les courages défaillants, trouve les capitaux, amène des défricheurs. Une autre fois, en 1652, l’heure se fait encore plus critique. Cernée, harassée par les hordes iroquoises, Ville-Marie est aux abois et, avec elle, toute la colonie du Saint-Laurent. L’angoisse, la panique étreint les cœurs des plus forts, fait hocher les têtes les plus froides. À quoi bon rester plus longtemps en ce bagne de toutes les misères ? Pourquoi ne pas ramasser rêve et bagage et se rembarquer pour la France ?

Heure tragique ! L’œuvre des Associés de Notre-Dame pourrait peut-être échapper à la faillite et à la mort. Mais il faudrait encore passer la mer, se rendre en France, y lever une recrue considérable, cette fois, de militaires et de défricheurs ; et, pour cette levée, trouver des capitaux. Mais ces capitaux, où les prendre ? Et qui ira chercher le renfort ? Cette fois toujours, une petite femme ne perd pas la tête et c’est Jeanne Mance. Les capitaux, elle les prendra sur le fonds de l’hôpital. « Il vaut mieux qu’une partie de la fondation périsse que le total », dit-elle. Pressé par elle, Maisonneuve s’embarquera pour la France ; et c’est lui, le gouverneur, qui ira chercher les hommes. Et c’est ainsi qu’il reviendra en 1653, ramenant avec lui cette recrue de cent hommes dont l’on célébrait, en 1953, le troisième centenaire de l’arrivée au Canada, recrue exceptionnelle pour l’époque, qui a sûrement sauvé Ville-Marie et qui, en sauvant ce poste stratégique, a peut-être sauvé la Nouvelle-France. Une troisième fois, en 1662, à la mort de La Dauversière, et à la suite de la débâcle financière du pauvre