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L’ÉMANCIPATION D’UNE ÂME

absorbé et fondu en elle que les petits groupes ethniques, inconsistants, désagrégés au point de vue politique ou national, des poussières de peuples pour tout dire. Ah ! décidément, mon cher William, tu n’es qu’un assez pauvre potache, raillait toujours Wolfred. Lis pour t’édifier et pour compléter les leçons de ton maître, non pas une bibliothèque, lis seulement le bouquin d’Edmond de Nevers, l’Âme américaine loué par Brunetière, ou encore Outre-mer de Paul Bourget. Et tu m’en diras des nouvelles.

Ici se plaça une longue pause. William qui subissait le ton dogmatique de son aîné ne trouvait rien, sans doute, à répliquer. Ce fut Nellie qui rompit le silence. De son ton sec de miss anglaise elle dit :

— En tout cas, mes amis, ces discussions entre nous sont une tristesse. Moi je donnerais volontiers le Racine et le Bossuet de Virginia pour l’ancienne paix de la famille. Dans ce temps-là, une femme, dans cette maison, pleurait un peu moins souvent.

— Oh ! pourquoi dis-tu de ces choses ? supplia Virginia.

— Je les dis parce qu’il faut les dire, riposta Nellie.

— Et pourquoi faut-il tant les dire ?

— Pour vous bien avertir. Est-ce qu’on ne sait pas que maman faillit nous quitter de chagrin, lors de l’élection de Russell ? Le moindre incident nouveau, je le sais et je le dis, pourrait précipiter une catastrophe.