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À LA RECHERCHE DU DEVOIR

vrai Québec d’est celui qui vient de déclencher un vaste boycottage contre la marchandise ontarienne. boycottage qui fait pousser des cris d’effroi aux industriels, aux grands négociants de Toronto, lesquels frappés à la bourse, seule partie sensible des hommes d’argent, pestent, à l’heure où je vous parle, contre les inepties de leurs politiciens, les somment même de cesser au plus tôt leurs entreprises tracassières. Voilà, mon cher ami, le vrai Québec et l’appui qu’il nous donne. Mais alors comment, un homme tel que vous, Lantagnac, peut-il douter de l’efficacité d’une stratégie qui, après avoir merveilleusement entretenu le moral de nos troupes, maintenu inviolées nos positions, vient de contraindre l’ennemi tout-puissant à parlementer avec notre petite armée ?

Lantagnac ne trouvait rien à répliquer au Père Fabien et pour de bonnes raisons. En ses dernières phrases, le Père venait de réciter presque textuellement les conclusions du discours même de l’orateur, au récent congrès des Canadiens français d’Ontario. Le député sourit.

— Vous avez bonne mémoire, mon Père, fit-il. Puis, accoudé au bras de son fauteuil, le poing de nouveau sur la tempe, il se plongea éperdument dans une réflexion sans issue. En son âme la même angoisse persistait toujours. Que dis-je ? elle n’avait fait que grandir, à mesure que s’étaient écroulés les appuis branlants sur lesquels, désespérément, il tentait d’asseoir sa conviction. À mesure que la lumière se faisait