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L’APPEL DE LA RACE

vider si bien leur œuvre de tout fond substantiel, qu’il n’y reste plus vestige de leur race, de leur patrie, de leur foi. Sans culture tradi- tionnelle, ils ne rêvent que d’excentricités indivi- duelles ; et ils mettent le talent qu’ils ont à gâcher celui qu’ils auraient, s’ils écrivaient et parlaient bon sens. Le moins triste n’est pas qu’ils se croient les prophètes des nouvelles for- mules d’art, incapables de s’apercevoir que leurs pareils ne furent jamais que les champignons des littératures décadentes, trop puérils pour com- prendre qu’une littérature qui se byzantinise en naissant commence par la phtisie au lieu de com- mencer par la santé… » « D’ailleurs, concluait la lettre de Wolfred, ces farouches esthètes ont, eux aussi, le mépris de leurs compatriotes, la haine de leur patrie barbare, et, sous prétexte de s’humaniser, se dénationalisent ».



Lantagnac laissa tomber les petites feuilles sur sa table de travail.

Cette lecture ne fit qu’accroître sa tristesse. Il est vrai, qu’avant de finir, l’étudiant de Mont- réal annonçait à son père une prochaine missive et d’autres impressions. Mais cette première lettre avait le ton si amer, si découragé.

— Oh ! comme ce pauvre Wolfred est encore loin des siens, se dit-il, navré. Il n’a rien vu de la vie profonde du Québec ; rien vu non plus, dans ce Montréal même, rien vu du grand effort admirable, ardemment poursuivi comme une croi- sade, pour refranciser, non pas les âmes restées