— Partout, je vous le dis, Père Fabien, j’ai retrouvé l’âme d’une race plus fine, plus sentimentale que l’autre, d’une essence plus ordonnée, plus aimantée par en haut.
Le Père Fabien applaudit, triomphant :
— J’étais sûr, quant à moi, Lantagnac, que vous concluriez ainsi… Non, voyez-vous, ils auront beau dire, nos muscadins littéraires, notre âme française n’est pas comme l’autre.
Puis, repoussant de la main quelques livres sur sa table, pour réprimer, semble-t-il, une protestation qu’il sentait lui venir, le Père continua :
— Ah ! si seulement on savait lire nos mœurs et nos paysages ! Mais, voilà, on ne sait pas les lire où on ne les lit qu’avec des yeux distraits ou rapportés de l’étranger.
Lantagnac était devenu plus songeur et plus grave.
— Y a-t-il encore autre chose, cher pèlerin ? demanda le religieux.
— Oui, il y a autre chose, recommença l’autre, d’une voix contenue. Mon pèlerinage, je l’ai prolongé presqu’au cimetière.
— Allez, je vous suis jusque-là, insista le religieux qui se fit encore plus attentif.
— Le cimetière de Saint-Michel, reprit Lantagnac, vous en souvient-il ? c’est d’abord un vieux, très vieux cimetière ; c’est le premier et le seul de la paroisse. On y retrouve, dans l’herbe, de vieilles tombes de chêne, toutes rongées, déchiquetées par le temps, sans plus une lettre