sentait l’impossibilité de ne pas intervenir, de ne pas se porter au secours de Virginia. Il se serait reproché surtout de ne pas confesser ses convictions, devant son enfant qui y allait avec tant de vaillance. Comme Duffin en revenait encore à la violation de la loi, à l’éducation révolutionnaire que recevaient ainsi les petits Ontariens, Lantagnac n’y tint plus. Avec une parfaite possession de soi-même, qui faisait le plus absolu contraste avec l’emportement de son beau-frère, il commença donc :
— La loi ! la loi ! Fort bien, mon cher confrère. Mais si nous établissions tout d’abord de quel côté sont vraiment les violateurs de la loi ?
L’intervention subite de Lantagnac n’eut pas l’air de surprendre Duffin. Habitués qu’ils étaient tous deux à croiser le fer, Duffin attendait cette entrée en scène. L’Irlandais se mit seulement sur une défensive plus prudente. Et c’est d’un ton fort radouci qu’il demanda :
— Mais les violateurs, seraient-ce donc les autorités, les défenseurs de la loi ?
— Et pourquoi pas ? dit Lantagnac. La première loi, si je ne m’abuse, c’est la loi naturelle. Et n’est-ce pas violer la loi naturelle, contre laquelle rien ne prévaut, que d’empêcher un peuple d’apprendre sa langue ? Oh ! je vous entendais tout à l’heure : « Ontario est un pays anglais ; qu’ils apprennent la langue de leur pays ». Mais pourquoi ces équivoques ? Qui donc, parmi les miens, refuse d’apprendre la langue anglaise ?