vaste plaine uniforme, à peine tachetée par les blanches voiles des barques des pêcheurs ou par le dos grisâtre et reptilien des torpilleurs de Brest se faufilant dans les remous.
Crec’h Bleiz, vert paradis de la côte bretonne,
Oasis suspendue à l’écueil de granit,
Tes arbres sont en fleur près du flot qui moutonne
Et ton jardin commande où l’océan finit.
Ton castel, dans ces bois que la brise balance,
Semble un navire à l’ancre en un mouillage sûr ;
Svelte comme un grand mât, la tour neuve s’élance
Portant dans le ciel bleu son pavillon d’azur…
Crec’h Bleiz, c’est la Naïade amarrée à la terre,
À la terre bretonne, au vieux sol des aïeux,
En ce pli de l’Armor fleurie et solitaire.
Plongeant tour à tour dans la mer et dans les cieux !
Ces jolis vers qui sont du Père Delaporte me dispensent de décrire plus longuement. M. de Cuverville aimait à réciter ces strophes, et il remerciait la Providence de lui avoir ménagé, sur ses vieux jours, cette villégiature idéale pour un amiral en retraite.
Il ne rentra à Crec’h Bleiz qu’une huitaine après mon arrivée. Les travaux du Sénat le retenaient à Paris. Un soir donc, le coupé amena un petit homme de taille à peine moyenne, à tête blanchie, mais encore droite, au nez fortement arqué, à l’œil vif mais à demi fermé, et d’une figure sévère et qui le restait encore avec l’adoucissement du sourire, et d’une voix sèche, coupée, et qui avait peine, après un quart de siècle de commandement, à ne plus avoir l’air de donner des ordres.
Le premier soir, le sénateur en vacances causa volontiers jusqu’à neuf heures. Le lendemain, sans plus attendre, il se mit à son train de vie. Il fut debout à cinq heures, entendit la messe à sept heures, prit un petit déjeuner rapide à huit heures, et s’enferma dans sa bibliothèque jusqu’à midi. Il en sortit pour déjeuner, s’enferma de nouveau vers une heure et demie pour jusqu’à six heures du soir ; monta alors à la chapelle pour la visite au Saint--