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mes mémoires

le simple accomplissement du devoir d’état d’un collégien qui vit sa vie dans l’esprit de foi : idéal plus que suffisant puisque l’on n’y atteint qu’avec l’aide d’En-haut. Et puisque je tente de décrire le rôle d’un directeur, dirais-je que je ne l’ai jamais conçu comme celui d’un dresseur, encore moins d’un dompteur ? Un enfant, un adolescent, si apathiques qu’ils soient, ne se moulent pas comme de la glaise. Ce qu’avant tout j’essaie d’obtenir du dirigé, c’est qu’il prenne lui-même en main l’œuvre de sa formation, qu’il en fasse son affaire, comptant sans doute sur la collaboration de ses maîtres et sur l’idée de Dieu, mais aussi sur sa propre volonté. Qui ne sait, du reste, qu’avant cet acte de volonté initial, rien ne se fait, ni ne saurait s’accomplir, mais qu’en revanche, aussitôt obtenue cette décision souveraine, tout prend une autre allure et tout se transfigure dans l’âme de l’adolescent ou du jeune homme ?

Reprise de la Croisade

La Croisade d’adolescents reprend donc son élan. Et cela je veux l’écrire, pour les sceptiques prompts, trop prompts aujourd’hui à désespérer de la jeunesse. Une fois de plus, c’est-à-dire ainsi qu’avant 1906, je puis constater comme il est facile d’enflammer des jeunes gens de la passion de l’apostolat et de la passion des âmes pour l’amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et pour la seule ambition de vivre en plénitude leur vie de chrétiens. En ces années 1910-1915, s’il faut y insister, j’ai revu, en mon collège, une deuxième génération de jeunes apôtres qui ne le cédait en rien à celle qui m’avait tant ravi au début de ma jeunesse sacerdotale. Même enthousiasme, même foi ardente, même don de soi-même à ce qu’on appelle la « Cause ». Et la « Cause », pour ces collégiens de quinze à vingt ans, c’est le relèvement moral, surnaturel, de la communauté collégiale ; c’est l’ambition d’y faire naître un groupe toujours croissant d’apôtres qui, par-delà leur petit milieu, se proposent de participer à la large vie de l’Église, vie où les plus petits peuvent compter tout autant que les plus grands. Idéalisme trop absolu, chimérique, horizons trop vastes, diront quelques-uns. Non, répondrai-je : horizons de