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mes mémoires

comme une obligation qui découle directement du caractère baptismal, caractère qui engage résolument envers Notre-Seigneur Jésus-Christ et envers son Église. « Mais si votre chef ecclésiastique, m’a-t-on dit alors et m’a-t-on répété depuis, n’entend pas l’éducation de la même façon ? S’il réprouve votre petite œuvre d’action catholique, vous y opiniâtrer contre sa volonté, n’est-ce pas faire acte de désobéissance ? Votre œuvre pouvait-elle être bénie de Dieu… ? » Problème troublant. Le drame, une fois de plus, entre dans ma vie. Que faire ?

De nouveau Mgr Émard

Méritais-je vraiment le reproche d’encourir la désapprobation de mon évêque ? La question n’est pas si simple. Mgr Émard, je l’ai encore écrit plus haut, avait la réputation méritée d’un homme intelligent et cultivé. Il connaissait trop bien sa théologie pour s’égarer dans le libéralisme doctrinal. Ce qu’il y a de libéral en lui, je le répète, c’est plutôt son tempérament, sa tournure d’esprit. Il éprouve un frémissement nerveux devant toute forme d’intransigeance — je ne dis pas d’intégrisme. Sa nature l’incline vers les compromis plutôt que vers les longues ou âpres résistances. Il se sent plus porté vers les brebis de l’extérieur du bercail que vers celles de l’intérieur. Dans nos conflits scolaires, surtout dans la querelle manitobaine, il met une sorte d’entêtement, pour ne pas dire de coquetterie, à se dissocier, au moins en paroles, de ses collègues de l’épiscopat. Il est le premier évêque du Québec à recevoir ostensiblement, en grand banquet à son évêché, le trio Laurier-Lemieux-Brodeur. Ce qui fera écrire à Israël Tarte, dans La Patrie, à propos de cette rencontre et au souvenir de quelques événements de 1896 : « Que les temps sont changés ! » Mgr Émard n’eût pas osé repousser théoriquement ma conception de l’éducation catholique. D’esprit il appartenait néanmoins à