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mes mémoires

nous sommes rencontrés dans les congrès. Il est mon aîné de dix ans. Mais cet homme fort intelligent, aussi apôtre qu’intelligent, porte au cœur un amour passionné des jeunes. Il s’intéresse vivement à tous les événements de la vie nationale et religieuse. Déjà, en 1915, il compte parmi les figures éminentes du clergé de Montréal et du Canada français. Pour cela même, j’ai voué depuis longtemps à ce magnifique prêtre une admiration qui touche au culte. Il me reçoit à bras ouverts. « Je connais votre situation, veut-il bien me dire ; je l’ai vécue moi-même à une certaine période de ma vie. Je ne vous demanderai rien. Vous me chanterez tout au plus une grand-messe chaque matin. Vous en fixerez l’heure vous-même : celle qui vous accommodera en votre travail. Et cette heure restera fixée pour toujours. Tout ce que je veux, c’est vous aider à travailler. »

L’abbé Perrier est alors dans la cinquantaine. Il reste en pleine force. Très studieux, très cultivé, homme de culture générale et de sciences ecclésiastiques, chacun vient à lui, et du monde religieux et du monde laïque, comme à l’homme de conseil avisé et sûr. Plus encore que le prêtre cultivé, on estime en lui le prêtre tout court. Prêtre, il l’est dans toutes les dimensions de ce grand mot. Plus tard, à la cathédrale de Montréal, lors de la célébration de son cinquantenaire de sacerdoce, je lui rendrai cet hommage. Hommage que j’ai repris plus explicitement à sa mort, dans Le Devoir, et qu’on a reproduit avec quelques autres, dans l’un des fascicules de l’École sociale populaire. Toujours j’ai regardé mes dix ans passés au presbytère de l’abbé Perrier comme l’une des éminentes faveurs que le Ciel m’ait faites. Pendant ces dix ans de vie intime où j’ai pu l’observer de si près, rien, je dois le dire, n’a diminué l’admiration que j’avais vouée à mon aîné. Curé, il l’est foncièrement, pleinement, si bien que ses amis, même ceux qui vivent hors de sa paroisse, le désignent habituellement entre nous, par ce simple titre, mais si expressif : le Curé ! Toujours le premier levé et le premier rendu à l’église, on le trouve assidu au confessionnal avant et après sa messe, et tous les jours de confession ; il ne manque jamais un office paroissial, prêche plus souvent qu’à son tour. Et quelle prédication que la sienne, claire, nourrie de doctrine, pratique, vigoureuse, vrai jaillissement d’une source évangélique ! On le verra présent à