Page:Groulx - Mes mémoires tome I, 1970.djvu/328

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
318
mes mémoires

le lundi de la Quasimodo, « pâques de renard », raconte le Père Portelance ; mais il avait ses raisons. Peut-être, ajoutait le Père, le converti s’attendait-il à s’approcher discrètement de la communion ; mais le hasard voulut que ce matin-là il y eut affluence à l’église. En sorte que la conversion du premier ministre devint, dans tout Ottawa, la grande nouvelle à sensation. Ce propos du Père Portelance me rendit le personnage moins antipathique. Trois ou quatre ans plus tard, une autre circonstance vint fortifier en moi cette nouvelle impression. Mgr Émard, qui aime se tenir en coquetterie avec les hommes politiques et qui, à l’égard des libéraux, ne partage guère les sentiments de la plupart de ses collègues de l’épiscopat, — en 1896, par mandement, il a reconnu à chaque électeur le droit de voter comme il l’entendrait, — Mgr Émard, dis-je, décide d’offrir, en son évêché, un grand banquet à Laurier. L’incident, comme on le pense bien, fera gloser. Qui alors ne se rappelle les élections de 1896, alors que Mgr Laflèche et Laurier se sont opposés, dans l’opinion, comme deux adversaires politiques ? Opposition qui, dans les officines de journaux, sur la rue, se traduisait par cette formule : « On va voir si Laurier est plus fort que Mgr Laflèche. » En cette conjoncture historique, le banquet de Valleyfield annonce une évolution d’envergure dans l’esprit d’une partie au moins du clergé. Israël Tarte peut écrire, dans son journal, La Patrie : « Que les temps sont changés ! » Laurier vient en effet à Valleyfield, accompagné de deux de ses ministres : Rodolphe Lemieux et, je crois, Louis-Philippe Brodeur. Tout le monde est d’excellente humeur. Rodolphe Lemieux ayant manqué le pied à je ne sais quel perron ou quel escalier de l’évêché, et Mgr Émard lui ayant dit : « Prenez garde