Page:Groulx - Mes mémoires tome I, 1970.djvu/346

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
334
mes mémoires

Premier pèlerinage à Carillon (1918)

Celui qui écrira l’histoire de l’Action française — il me semble que ce mouvement en vaudrait la peine — ne pourra s’empêcher d’observer la chaude activité dont s’anima la petite ruche vers 1920. J’aurai l’occasion de parler de cette œuvre plus longuement. Je veux dire tout de suite qu’à ces diverses manifestations de vie : publications, conférences, elle avait ajouté un autre moyen de propagande : les pèlerinages historiques. Ils sont pleinement lancés à la période où nous sommes, surtout le pèlerinage Dollard. Ce fut une de mes joies de me trouver au premier de ces pèlerinages et d’en avoir même conçu l’idée. En ce temps-là nous croyions à Dollard. Les poux de l’Histoire et les jeunes historiens, ceux-ci toujours enclins à la démolition, n’avaient pas encore entrepris de ronger le héros pour ensuite le jeter à bas de son socle. Je n’ai pas créé ce que l’on a appelé le « mythe » Dollard, mythe singulier qui, s’il fut véritablement un mythe, a surgi sur le cadavre du héros à peine refroidi. Tout au plus ai-je applaudi à la résurrection de cette page d’histoire, à sa mise en lumière. Puis, l’histoire me paraissant belle, l’une des plus belles de notre passé, spontanément je me suis employé à lui donner son plein relief et j’ai voulu en tirer quelques leçons au profit d’une génération qui, jusqu’alors, réservait son admiration aux politiciens. Un Irlandais, un M. J. C. Walsh, rédacteur au Herald, a donné la chiquenaude initiale, sans se priver de nous reprocher notre singulier oubli. Cela se passe en 1910 à l’approche du 250e anniversaire du fait d’armes. Un comité s’est aussitôt formé pour l’érection d’un monument au héros. Une première réunion publique a lieu sur la place d’Armes de Montréal, réunion émouvante où Bourassa est l’orateur principal. Mgr Bruchési, tenant à la main le premier et antique registre de Notre-Dame, y lit l’acte de décès des jeunes « Montréalistes » morts au Long-Sault, puis, d’une voix grave, laisse tomber sur la foule recueillie les