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deuxième volume 1915-1920

noms des dix-sept sacrifiés. La foule sent quelque chose qui lui bat les tempes. Deux chercheurs émérites, E.-Z. Massicotte et Aegidius Fauteux, se mettent à l’œuvre. De leur collaboration naît un petit livre, Dollard des Ormeaux et ses compagnons, qui exhume tout ce que l’on connaît apparemment de pièces documentaires sur les héros et leur exploit de 1660. Mais personne ou de rares isolés se sont rendus aux lieux mêmes de l’exploit, ont tenté d’en repérer l’emplacement exact. Un Sulpicien, monsieur A. Guindon, poursuit cependant, à l’époque, d’intéressantes et patientes recherches. J’entreprends d’organiser le premier pèlerinage au Long-Sault, devenu aujourd’hui Carillon. De cette expédition je garde un inoubliable souvenir. D’autres pèlerinages vont suivre. L’Action française, pour sa part, réussit à mener là, à certains anniversaires du 24 mai, près d’un millier de personnes. Aucun de ces pèlerinages plus solennels ne m’a apporté d’aussi fortes émotions que ce premier du printemps de 1918. En ce temps-là, je ne puis parler de cet épisode de notre histoire sans y mettre, malgré moi, un accent de solennité. Le 17 mai 1918, j’écris donc dans L’Action française (II : 210-211) :

Hélas ! la grande solitude qui, au soir de la défaite, s’appesantit sur les cadavres et les ruines du petit fort, n’a pas encore été soulevée… À L’Action française, nous voulons que cet oubli prenne fin et que soit réparée cette trop longue indifférence. Les puissances de notre passé nous sont devenues trop nécessaires pour les laisser ainsi comme un capital abandonné… Rien qu’une éclatante manifestation pourrait réparer un peu ce coupable oubli de deux siècles. Les misères de ce temps ont commandé aux directeurs de L’Action Française de faire moins grand [nous étions encore en pleine guerre]. Ils iront tout de même en éclaireurs, faire la première battue vers cette lointaine histoire. Et il faudra qu’après eux les grandes foules se mettent en route vers le Long-Sault. Il faudra qu’un jour, sur ce carré de terre acheté et consacré, se dresse, face à l’Outaouais, la statue