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deuxième volume 1915-1920

Valentine, des œufs à la crème. L’estomac bien d’aplomb, je pars donc pour le village. C’est ma promenade régulière. Je vais porter et chercher mon courrier. J’y vais surtout pour ma visite au Saint-Sacrement, exercice de dévotion dont je n’ai jamais pu me passer. Et ces églises de campagne, à demi désertes, sont si dévotieuses, si attachantes, le soir, à l’heure de l’Angélus. Je retrouve là le souvenir de mes petits collégiens, de mes dirigés. Il fait si bon, à quelques pas du tabernacle, parler de ces chers adolescents ou jeunes hommes au Dieu à qui j’en ai confié la garde.

Vacances à Central Falls

Des années vinrent pourtant où je dus, bien à contrecœur, changer le lieu de mes vacances. Pour joindre les deux bouts, nos parents avaient décidé d’ouvrir la maison à la villégiature, à des pensionnaires de la ville. Je me sentais moins chez moi. La « petite pointe à la lecture » ne m’appartenait plus à moi seul. Il me fallut chercher ailleurs. Aux vacances de 1910, je l’ai rappelé plus haut, j’allai passer quelques semaines à Central Falls, R.I., au presbytère de M. l’abbé Laliberté. Mon ancien et cher compagnon de Valleyfield, l’abbé Jean-Marie Phaneuf y était alors vicaire. Ce fut mon premier contact avec les Franco-Américains. On parlait encore français en Nouvelle-Angleterre, même si ce français commençait à s’abâtardir. Les curés s’intéressaient fort à la survivance française ; la plupart des chefs laïques ne se montraient pas moins vigilants. Mais surtout quels braves gens j’ai rencontrés à Central Falls, petite ville qui était devenue, de par la tendance de nos compatriotes à tout baptiser chrétiennement : Saint-Trelle ! J’eus l’occasion de faire du ministère sacerdotal ; je prêchai une retraite aux Dames de Sainte-Anne,