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mes mémoires

ma part, je me raconte plutôt moi-même ; j’évoque des souvenirs de mon jeune âge, des scènes que j’ai vécues. L’un de mes contes me vaudra le seul autographe que je possède de Georges Pelletier. Directeur du Nationaliste, il m’écrit, sous le pseudonyme de Pierre Labrosse dont il use alors souvent, le 24 février 1915 :

Le Directeur du Nationaliste sollicite de M. l’abbé Groulx la permission de reproduire dans son journal le conte qu’il a donné récemment au Bulletin du Parler français

M. Héroux (5 juillet 1915), me demande pour l’Almanach de la Langue française que se proposent de publier « nos amis de la Ligue des droits du français », si je ne trouverais pas le moyen de « leur céder l’un des contes de Lionel Montal ». (J’avais signé de ce pseudonyme mes premiers contes envoyés au Bulletin du Parler français.)

Que dirait, à l’apparition du petit volume, la critique officielle ou réputée telle ? Que dirait le public ? Je n’ai pas conservé de dossier sur mes Rapaillages. Ma correspondance y peut pourtant suppléer. Je cite quelques témoignages qui feront voir quel intérêt l’on prenait tout de même aux manifestations de l’affreux régionalisme. Voici un élève finissant au Séminaire de Québec, Narcisse Furois, qui, au cours d’une longue lettre sur Les Rapaillages, lettre qui est une véritable dissertation, glisse ces quelques lignes :

Est-ce que je m’abuse ? Mais il me semble que les jeunes ont pris beaucoup d’intérêt à la lecture de votre ouvrage. Tous ceux qui ont dans le cœur un amour sincère pour les choses de « chez nous » — et ils sont nombreux — ont éprouvé en lisant ces récits dans lesquels circule un large souffle de vie canadienne, une bien vive jouissance… Tels sont mes sentiments sur cette mosaïque de croquis champêtres que sont Les Rapaillages. Je vous prie d’y voir autre chose qu’une vaine déclamation ou qu’un engouement passager et sans fondement.

L’abbé Émile Chartier, en promenade chez des amis, m’écrit qu’il a fait pleurer ses hôtes en leur lisant l’un des petits contes : « À l’homme de cœur et d’esprit qui a si bien décrit le livre d’heures de sa grand’mère, honneur et gloire soit rendus à jamais et toujours ! Où diable trouves-tu le temps de ruminer et de coucher de pareilles choses ? J’ai fait pleurer à cette lecture une