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mes mémoires

que vous avez trouvés le long des routes de chez nous. Déjà j’avais goûté leur saveur ; je les relirai avec plaisir. Vous avez bien fait de recueillir en volume ces pages un peu dispersées où vous aviez mis votre cœur de fervent Canadien. Permettez-moi de vous féliciter de cette œuvre de bonne inspiration et de bonne facture ; je lui souhaite tout le succès que notre public ne manquera pas de lui faire.

Olivar Asselin s’expliqua sur Les Rapaillages, dans sa conférence mise en brochure : L’Œuvre de l’abbé Groulx, conférence sur laquelle j’aurai à revenir. Il fallait s’y attendre, et c’était de justice, il porta, sur les petits contes, un jugement partagé plus que nuancé. Il avait trop d’esprit et trop de bon sens pour condamner a priori une œuvre parce que régionaliste. Il disait donc :

La vente d’une vieille jument qu’on aime, la fête d’écoliers donnée au bénéfice de l’école nationale, les vieux parents qui s’attachent aux vieilles choses en dépit de la jeunesse, la croix des chemins, la marche au catéchisme, la coupe du blé, le livre de messe familial, le galopin qui s’égare pour avoir marché sur « l’herbe écartante », le tricot de grand’mère, le dernier « voyage de foin » : des scènes et des souvenirs comme ceux-là, on ne dira jamais assez combien il en faudrait pour reconstituer dans son essence la vie d’une race… Pratiqué dans une vue patriotique, ce genre littéraire offre un autre danger auquel M. Groulx n’a pas échappé, qui est de porter aux admirations convenues…

Pour Asselin, j’aurais brossé un portrait trop stéréotypé et trop admiratif du paysan canadien, trop uniformément attaché à la terre et trop scrupuleusement honnête. Il raillait un peu mes types de l’Ancien temps, types pourtant croqués sur le vif, dans une visite à leur maisonnette à La Blanche. Le critique faisait toutefois cette concession :

Il y a de très belles pages dans le recueil, ne fût-ce que Le Dernier voyage, d’une observation tout à fait juste et d’une émotion poignante. Je ne crois pas que la louange doive aller plus loin… Sa plus belle littérature régionaliste, l’abbé Groulx l’a produite au fil de la plume, tout naturellement, quand son travail d’historien le mettait en contact avec le tréfonds de l’âme nationale.

Je ne suis pas loin de donner raison à Asselin pour l’ensemble de ce jugement. Tout au plus me défendrai-je d’avoir écrit Les