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mes mémoires

vois le pape, Benoît XV, le petit pape boiteux, mais aux yeux noirs si clairs et d’un accueil si affable. Quand je lui dis que je viens du Canada, il me demande aussitôt des nouvelles de Mgr Bruchési dont l’état de santé a l’air de beaucoup l’inquiéter. Au retour, je m’arrête à Lourdes que je trouve bien différent de mon tranquille village de 1907, village devenu ville et débordant de pèlerins. Dès les derniers jours de septembre, je suis de retour à Paris. Souvent les étudiants canadiens, friands de nouvelles du pays, se réunissent à ma chambre. J’avais apporté avec moi le manuscrit de L’Appel de la Race qui s’appelait encore Le Coin de fer. L’idée me vient de faire subir au manuscrit une seconde épreuve. Et pour être assuré d’un jugement plus franc, je présente l’œuvre sous le voile de l’anonymat. Roman en manuscrit d’un jeune romancier, dis-je à mes visiteurs, qui a souhaité mon avis. Quelques-uns, très peu, percent ou croient percer le mystère ; la plupart se laissent mystifier. C’est pour moi affaire de test comme on dit aujourd’hui : le roman sera-t-il lisible ? Dans une de mes lettres, je trouve ce bout de phrase : « Pendant les huit jours qu’a duré la lecture, personne n’a manqué. » L’incognito où se tient l’auteur lui vaut d’entendre des expressions d’opinion très ouvertes et très piquantes qu’il écoute sans broncher et dont il fait son profit.

Organisation de mon travail

Je ne tarde pas à me mettre à l’œuvre. J’irai aux Archives l’avant-midi et l’après-midi. Mais comme les portes s’y ouvrent tard le matin et se ferment tôt le soir, — l’électricité n’est pas encore installée aux Archives nationales, — le matin et le soir, je m’arrêterai en chemin à l’Institut catholique de Paris y suivre quelques cours. L’avouerai-je tout de suite ? Mon travail aux Archives me donna peu. J’y entreprends des recherches sur l’époque de la cession du Canada à l’Angleterre. L’heure du film n’est pas encore venue. Je transcris à la main les résultats de mes recherches. Et avec l’espoir d’aller plus vite, je fabrique surtout des fiches. Je cours, en même temps, les librairies d’americana et de canadiana. Je veux accroître ma bibliothèque, la pourvoir des indispensables instruments de travail. Je perds beaucoup de temps. Pour passer d’un dépôt d’archives à un autre, aller, par