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mes mémoires

que l’ « Enquête d’Agathon »[NdÉ 1] m’avait déjà fait connaître. Le professeur en est encore au début de son enseignement. Il paraît frêle, relève souvent une touffe de cheveux blonds ; son masque me fait penser involontairement à celui de Musset. Son débit n’est pas facile. On sent qu’il fait son cours, qu’il achève sa pensée tout en parlant. Mais il a des yeux de mystique. Il paraît se passionner tellement pour sa doctrine qu’on subit l’ardeur communicative de sa parole. Certains soirs, j’assiste à un cours de sociologie du Père Sertillanges. Tête à chevelure touffue, visage qui paraît las. Mais quelles étincelles jaillissent parfois de ce cerveau ! Et comme j’aime professeurs et auteurs qui obligent à penser, qui stimulent l’esprit ! J’estime comme une des chances de ma vie de pouvoir entendre le célèbre Dominicain. Certains autres soirs, j’entends le cours du Père Yves de La Brière qui, en cette année 1921-1922, pas si longtemps après l’affreuse mêlée de 1914 et la paix de Versailles, traite de la « juste guerre ». Leçon d’un esprit de vaste culture, qui a fréquenté les grandes réunions internationales et qui enseigne d’un ton aimablement paternel.

Cours à l’Institut d’Action française

Je ne veux pas oublier d’autres professeurs qui m’ont laissé les meilleurs souvenirs. On se rappelle la lutte ardente menée par L’Action française de Paris contre la Sorbonne et les Sorbonnards. Les Sorbonnards, on leur reproche, dans l’ordre de l’esprit, leur colonialisme germanophile et on les tient responsables du déracinement intellectuel de la jeunesse de France. L’Action française qui, alors, a le bon vent pour soi, tente un énergique redressement. Face à la vieille Université de France, elle ambitionne de dresser sa propre université, école de haut savoir, mais

  1. Voir p. 188 du premier volume.