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deuxième volume 1915-1920

C’est encore à Saint-André-des-Arts qu’il m’est donné d’entendre Henri Massis. Celui-là, je le connais aussi par l’ « Enquête d’Agathon » que, jeune professeur à Valleyfield, j’ai lue avec une sorte de fièvre. Sans doute, depuis lors, ai-je connu Massis par d’autres de ses ouvrages. Ce soir de 1922, je me rappelle très exactement son cours à Saint-André-des-Arts. Il entreprit de démontrer jusqu’à quel point l’histoire, en envahissant les domaines de la théologie, de la philosophie et de l’exégèse, avait ébranlé, diminué ces diverses disciplines. Encore jeune, plutôt grêle, la figure mince, Massis de 1922 me fait singulièrement penser, avec sa mèche de cheveux sur le front, à Barrès que j’ai un jour entendu au Palais Bourbon. Je reviens à sa leçon d’une extraordinaire densité. Massis est moins professeur que Gaxotte. Mais avec quelle aisance il se joue en ces problèmes d’érudition et de haute métaphysique ! Au cours, j’ai ce jour-là, pour compagnon, l’abbé (ou le chanoine ?) Fortunat Charron, de Rimouski, homme de belle culture et d’une rare finesse. Pendant que nous revenons à notre hôtel, mon compagnon, presque silencieux, me paraît plongé en de profondes réflexions.

— Vous n’avez pas aimé le cours ? lui dis-je.

Et lui de me répondre :

— Je me sens humilié, profondément humilié. Nous, les clercs, nous avons passé notre vie en l’étude de ces problèmes. Et c’est à peine si nous en pouvons balbutier quelque chose. Et ces jeunes blancs-becs, ces convertis d’hier, en dissertent comme de vieux théologiens, à nous éblouir !

Conférences à la Société de géographie

Parmi mes distractions de cette année 1921-1922, à Paris, je place encore les conférences, une série en particulier, celle de la Salle de la Société de géographie, boulevard Saint-Germain. Là