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mes mémoires

après aptitudes littéraires dûment constatées : académiciens solennels qui, en nos jeunes années, nous impressionnaient fortement avec leur étoile d’or ou d’argent sur la poitrine. Il y avait aussi la Société Ducharme, sorte de parlement-école. À cette société-là, dans un décorum impeccable, l’on s’exerçait à l’art de la parole, à l’improvisation, tout en débattant des sujets d’histoire ou autres. Joutes oratoires qui faisaient parler d’elles dans tout le collège, et où se fondaient de jeunes renommées. On s’y passionnait au possible. Souvent la discussion commencée à la salle académique se continuait chaudement au réfectoire, à la récréation. L’Académie me prit beaucoup de mon temps, mes confrères, en ma dernière année, m’y ayant confié le fardeau de la présidence. En première année de Philosophie, assisté de mes deux confrères, Gédéon Rochon et Septime Laferrière, je soulève un long débat à la Société Ducharme. Par une longue et solennelle résolution, nous proposons une réforme foncière de ladite Société — on dirait aujourd’hui une réforme de structure ―, la disant vieillotte, déchue de son ancienne splendeur. Là-dessus s’engage une discussion pathétique avec nos aînés de Philo II. Alfred Langlois, président de l’Académie, est le premier à nous servir la réplique. Il parle déjà avec l’aisance et le brio qu’il fera voir plus tard, évêque. Il nous réfute en habile homme, nous prodiguant les éloges, insistant avec malice sur la notoriété que nos talents de debaters confèrent à « la vieille et routinière société ». Débat qui fit du bruit. Nos camarades eurent tôt fait de coller à notre trio l’épithète de « Les Trois Réformateurs », appellation que je retrouve au bas d’une photo que, pour perpétuer, sans doute, le souvenir de ce grand jour, nous avions fait prendre chez un photographe du village.

Ce petit tapage à la Société Ducharme, j’ai lieu de le croire, inquiéta quelque peu mes maîtres. On me trouvait des idées et des