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Page:Groulx - Mes mémoires tome II, 1971.djvu/107

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troisième volume 1920-1928

soren, n’eussent pas fait mieux. On se figure la tête de M. Forbin. Il ne sait s’il doit rire, s’il doit se fâcher. Par bonheur, plutôt bonhomme, et le premier moment de surprise passé, il a le bon esprit de s’amuser de la plaisanterie.

Asselin se livrait parfois à des sautes de tempérament ou à des gamineries moins amènes. Un soir, à je ne sais plus quel banquet, je l’avais pour voisin. Nous étions engagés tous deux dans une conversation assez serrée. En face de nous mangeait l’abbé Olivier Maurault qui, jeune, avait la voix et la figure légèrement féminines. L’abbé ne cessait de nous interpeller comme s’il eût voulu se mêler à notre conversation. Longtemps inattentif aux propos du convive d’en face, Asselin, agacé, se penche tout à coup vers lui et, la main en porte-voix autour de l’oreille, lui lance à travers la table : « Vous dites, Madame ? » Le trait était cruel. M. Maurault fit la meilleure contenance possible.

Mais je reviens à l’apôtre des clochards. Il ne s’accorda de repos qu’il n’eût assis son œuvre de charité sur des bases solides. Avec l’aide d’autres collaborateurs entraînés par son magnifique exemple, l’œuvre d’Asselin, œuvre errante à travers magasins et entrepôts déserts, finit par se loger dans ce qui est devenu l’Hôpital de la Merci.

Singulier homme tout de même qu’un jour j’irais revoir, pour la dernière fois, dans son cercueil, enseveli dans le costume d’un petit Frère de Saint-Jean-de-Dieu !

■ ■ ■

La parenthèse a été assez longue. Revenons à notre histoire, c’est-à-dire à l’intervention d’Olivar Asselin dans la querelle de L’Appel de la Race. Je l’ai dit sinon redit plus haut : à cette époque, je connaissais peu le personnage. Je l’avais plutôt croisé que rencontré en quelques réunions d’amis. En 1921, il avait collaboré à notre enquête sur « Le problème économique », dont j’avais pris l’initiative. Il avait dû se trouver à notre réunion préparatoire. Comment en vint-il à s’intéresser à mon cas ? J’ai su, par mon ami Perrault, cela aussi je l’ai rappelé plus haut, que mon article du 24 juin 1920, dans Le Devoir : « Méditation