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patriotique », avait fortement impressionné Asselin. De ce jour, il m’aurait suivi, lu assidûment. Il m’écrivait, en effet, le 26 juillet 1920, à propos de l’un de mes ouvrages que je lui avais envoyé, Lendemains de conquête, à ce que je crois, ce mot déjà fort aimable :

Une absence de quelques semaines, puis un excès de travail, m’ont empêché d’accuser réception plus tôt de l’ouvrage que vous avez eu l’amabilité de m’envoyer. Je cesse temporairement de collaborer à la R.M. [Revue moderne], corvée que je n’avais acceptée que par gratitude personnelle envers le Dr & Madame Huguenin ; mais j’y reviendrai à l’automne pour dire tout le bien que je pense de vous. Je vous dois cela, c’est entendu, mais je me le dois encore davantage ; je ne voudrais pas qu’on me crût capable d’ignorer de propos délibéré urne œuvre comme la vôtre…

Son intervention dans la controverse de 1922-1923 s’expliquerait-elle par ses seuls instincts de polémiste, l’irrésistible envie d’entrer en lice quand de part et d’autre l’on ferraillait avec un si bel entrain ? Il se peut. Mais Asselin céderait aussi à une invitation précise : elle lui était venue de notre groupe d’étudiants d’Action française à l’Université de Montréal. Après cinq mois de controverse, public et jeunesse ne savaient plus où se retrouver dans cette mêlée confuse où les critiques acerbes, rageuses, le cédaient à peine aux éloges excessifs. Il fut donc décidé d’en appeler à l’opinion d’un homme reconnu pour son indépendance d’esprit, son franc-parler. On le pria de dire son sentiment dans une conférence publique. Antonio Perrault écrivait, à ce propos, dans L’Action française (IX : 80) :

Il convenait de faire… une étude complète de l’œuvre attaquée. M. Olivar Asselin se chargeant de ce travail, le public était assuré d’avance que ce remarquable écrivain apporterait dans cette critique la liberté d’esprit, la netteté de vues, la clarté et la franchise d’expression dont il ne s’est jamais départi depuis plus de vingt ans qu’il s’intéresse à la cause française au Canada.

Asselin accepta l’invitation des étudiants. Il me fit mander un exemplaire de mes divers ouvrages et il s’en fut à la Trappe d’Oka, s’enfermer pour une huitaine. La conférence a été fixée au 15 février 1923. Ce soir-là, plus de 1,000 personnes envahissent la salle Saint-Sulpice. Antonio Perrault préside. L’orchestre des