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troisième volume 1920-1928

pareille circonstance. Mais vous l’avez fait avec tant de finesse et de si bon cœur que, ma foi ! on croirait que c’est arrivé comme ça. En fait, c’est arrivé comme ça a pu, et si dans l’expression même de ma reconnaissance je pouvais me permettre un reproche, ce serait d’avoir oublié de dire, de vous être arrangé même pour que personne ne soupçonne que, ce qui est arrivé de bien, c’est en grande partie à vous, à vos conseils, à votre bienveillance, à votre grand exemple, qu’il faut l’attribuer. Malgré votre silence, personne pourtant ne l’ignore. Je le dis en toute simplicité et avec d’autant plus de conviction que je ne suis pas le seul à vous devoir le meilleur de sa carrière. Cela vous consolera peut-être de tant d’autres qui, pour se venger d’avoir eux-mêmes dévié, vous blâment d’avoir avec détermination suivi la voie droite et ascendante et d’y avoir obstinément convié vos compatriotes.

Veuillez agréer, cher monsieur le Chanoine, l’expression de ma très grande et très vive reconnaissance.

Es. Minville

Léo-Paul Desrosiers

Un jour de 1918 — je ne puis établir au juste à quelle date — je recevais une lettre, non signée, d’une écriture féminine. Cette lettre me disait à peu près ceci : « Un jeune homme, étudiant en droit, désirerait grandement vous connaître. Il a besoin de direction. C’est un fervent de vos conférences d’histoire. Il vous serait facile de l’aborder. Il fréquente assidûment la Bibliothèque Saint-Sulpice. Il prend place autour d’une table qui est à quelques pas de l’endroit où vous-même travaillez. Il s’appelle : Léo-Paul Desrosiers. » De qui était cette lettre ? Me venait-elle de Mlle Michelle Le Normand, la future Mme Desrosiers ? Plus tard je l’ai fortement soupçonné.

Vers le même temps, l’abbé Émile Chartier me remet une composition que lui a apportée un étudiant. « Il s’agit d’histoire, me dit-il ; j’ai pensé qu’elle était destinée à vous plus qu’à moi. » Je lis ce travail. Il y est question d’un fait historique alors très controversé parmi les historiens canadiens : « L’expulsion