Aller au contenu

Page:Groulx - Mes mémoires tome II, 1971.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
176
mes mémoires

pour quelques-unes de ses lettres, pour ce qu’elles nous révèlent de ce grand esprit. Rien en lui de ces vieillards renfrognés, enclos dans l’étroite admiration de leur temps. Il aime encourager ceux qui viennent après les aînés. Il n’a pas à s’efforcer pour les comprendre. Je lui fais hommage de la plupart de mes ouvrages. Chaque fois, il se donne la peine de lire ces « hommages d’auteur », ce qui est assez rare. Et il m’en écrit pertinemment. Il vient d’apprendre mon élection probable à la Société Royale. Nous ne nous connaissons guère ; il m’écrit le premier, le 14 avril 1917 :

La nouvelle que nous apportent les journaux concernant votre élection à la Société Royale paraît bien certaine. Cette nouvelle me réjouit… Soyez donc le bienvenu parmi ceux qui, avec des talents moindres, s’efforcent eux aussi de faire leur petite part, et voient avec une joie patriotique la jeune génération qui monte déjà chargée de lauriers…

En 1918, je lui ai adressé un exemplaire de La Confédération canadienne, ses origines. Le sujet pouvait paraître inquiétant à un homme proche de 1867, et qui avait été élevé, comme tous ceux de son temps, dans une sorte de respect superstitieux des « Pères ». Dans mon petit volume, historien encore à ses débuts, sans jouer à l’iconoclaste, je secouais assez rudement les idoles. Pourtant, mon correspondant ne paraît nullement scandalisé :

Quelles belles pages vous avez écrites ! Et quelles fortes leçons vous savez donner à vos compatriotes sous vos commentaires historiques si pondérés à la fois et si pénétrants ! Par vos études d’histoire vous faites une œuvre éminemment utile, et nul n’est mieux qualifié que vous pour la réussir au double point de vue de la forme et des idées.

Compliments, certes, qui avaient de quoi faire se gourmer un jeune historien. Ils me venaient — je ne pouvais m’empêcher d’y songer — d’un noble Québecois, incapable d’ignorer que M. Thomas Chapais enseignait là-bas à ses côtés depuis deux ans.

Le théologien Paquet s’intéressait à tous nos problèmes. En 1936 je lui fais hommage, pour cette fois, d’une conférence, L’économique et le national, qui aurait chance de n’intéresser que de loin un homme plongé dans les problèmes de la métaphysique thomiste. Voici pourtant ce qu’il me répond :

J’ai lu avec un très vif intérêt ces pages dictées par un si ardent patriotisme et si propres à fouetter la fierté nationale…